Inga au Congo dépassera le barrage des Trois Gorges en Chine : L'Afrique du Sud veut le courant d'Inga Alors que le cœur du Congo baigne dans les ténèbres les plus complètes, un consortium de plusieurs pays, WestCor, se constitue en vue d'exporter l'électricité congolaise vers l'Afrique australe Kinshasa , 01.12.2004 | Economy L'Afrique du Sud veut le courant d'Inga Alors que le cœur du Congo baigne dans les ténèbres les plus complètes, un consortium de plusieurs pays, WestCor, se constitue en vue d'exporter l'électricité congolaise vers l'Afrique australe. La compagnie d'électricité sud-africaine ESKOM pousse depuis plusieurs années à la charrette. Le 22 octobre, les cinq pays participants signaient un premier protocole à Johannesburg. Pour 2011, WestCor veut lancer à Inga une nouvelle centrale hydroélectrique qui, via une nouvelle ligne à haute tension, enverra du courant à destination du marché en pleine croissance de l'ESKOM. Raf Custers C'est surtout l'Afrique du Sud qui entend profiter de ce courant. L'ingénieur Vika Di Panzu, de la compagnie d'électricité congolaise SNEL, dit à ce propos: « L'Afrique du Sud consomme 34.000 mégawatts et, chaque année, sa consommation s'accroît de 1000 mégawatts. » A partir de 2007, ses propres capacités ne pourront plus répondre à la demande croissante, surtout de la part de l'industrie lourde. C'est dû au réaménagement de la production. La compagnie publique sud-africaine d'électricité ESKOM produit actuellement l'électricité la meilleur marché du monde, mais surtout à l'aide du charbon de faible valeur qu'elle utilise dans ses centrales thermiques. L'ESKOM est soumise à des pressions afin de produire un courant plus propre. La compagnie veut également accroître la part en « énergie renouvelable » de 7 à 14%. En outre, elle doit privatiser 30% de son parc de production. A cet effet, l'ESKOM se tourne depuis longtemps déjà vers le reste de l'Afrique. La compagnie exploite déjà les quatre cinquièmes de la production du barrage de Cahora Bassa au Mozambique. Mais, à Inga, sur le cours inférieur du fleuve Congo, l'électricité « verte », à bonne marché, ne s'épuisera sans doute jamais. Depuis 1993 déjà, l'ESKOM examine, en compagnie de la Société Nationale d'Eléctricité (SNEL) congolaise, comment les deux centrales hydrauliques d'Inga pourront être réparées et agrandies. En 1998, la compagnie réalisait encore une étude à ce propos. Le savoir-faire destiné à Inga réside donc aussi, incontestablement, au sein de l'ESKOM. Une interconnexion L'ESKOM est l'une des compagnies qui se trouvent à la base du WestCor Power Project. Le plan vise à utiliser le potentiel hydrologique sous-exploité du fleuve Congo afin d'y produire, dans une première phase, 3.500 mégawatts de courant. « Dont 2.500 seront destinés à l'Afrique du Sud », déclare Vika, l'ingénieur de la SNEL. Du fait que les installations existantes d'Inga sont insuffisantes, même après réparation complète, il faut créer une troisième centrale, Inga-3, qui, à partir du fleuve Congo, sera alimentée via un canal souterrain. Il va également falloir poser une ligne de transmission de 3000 kilomètres de long, avec un embranchement en direction du Botswana. Cette nouvelle « autoroute africaine de l'électricité », appelée le Corridor occidental (WestCor), suivra un trajet reliant le Congo à l'Afrique du Sud, en passant par l'Angola, la Namibie et le Botswana. Il passera à proximité du Corridor oriental déjà existant reliant le Katanga à l'Afrique du Sud en passant par la Zambie et le Zimbabwe et il complétera le réseau d'interconnexion du Southern African Power Pool (SAPP). Le lobby de Mbeki WestCor est apparu en 2002, dans le sillage du NEPAD, le New African Partnership for Development dont, entre autres, le président sud-africain Thabo Mbeki est un ardent promoteur. Le plan d'action du lobby d'affaires ne manque pas de rhétorique. Une slogan, par exemple : « Sans Inga, le NEPAD est voué à l'échec. » Une fois qu'Inga sera retapé, déclare-t-on, la centrale hydraulique sera plus puissance que le barrage des Trois-Gorges, en Chine et elle doit devenir la clef de voûte d'un réseau d'électricité qui couvrira toute l'Afrique. Le coût de la première phase : entre 4 et 6 milliards de dollars. Mais « à l'horizon » se dessine déjà une seconde phase : le Grand Inga, 39.000 mégawatts, qui porterait la capacité totale d'Inga à 44.000 mégawatts. Notons que le barrage des Trois-Gorges, sur le Yangzi Jiang, en Chine, peut produire 6.500 mégawatts et qu'une centrale géante au Brésil atteint 13.500 mégawatts. Dans la pratique, le NEPAD et Thabo Mbeki recherchent activement les intérêts économique de l'Afrique du Sud. Ils mettent sur pied le pays à la façon d'un hub doté de facilités financières et juridiques pour les multinationales qui sont de plus en plus intéressées à faire des affaires en Afrique. Mais Mbeki n'en oublie pas pour autant ses propres ouailles. En janvier 2004, il dirigeait d'ailleurs une mission économique sud-africaine au Congo. En dehors de l'ESKOM, la firme sud-africaine Clackson Power est également intéressée par les contrats congolais. Clackson a déjà construit une centrale au Nord-Kivu et, dans la commune de Kasavubu (Kinshasa), la firme va installer un système destiné à vendre de l'électricité à des particuliers via des smart-cards payées d'avance. Concession Kinshasa est toutefois inquiète de cette exubérance sud-africaine envahissante. En novembre 2003, éclatait la nouvelle que l'ESKOM et la SNEL, en compagnie de la Botswana Power Corporation, de l'Angola's Empresa Nacional de Electricidade (ENE) et de la NamPower en Namibie, avaient fondé le WestCor Power Project. Mais il fallut attendre presque un an avant que les cinq gouvernements concernés se mettent d'accord sur un acte de fondation. Ce n'est que le 22 octobre de cette année qu'ils signaient un premier protocole intergouvernemental. Le Congo se rend bien compte qu'il peut gagner des milliards dans l'exportation d'électricité. Mais l'affaire n'en est pas encore réglée pour autant. La discussion porte en effet sur la question de savoir qui va gérer les nouvelles installations d'Inga. C'est lié au financement du projet. L'ingénieur Vika di Panzu, de la compagnie d'électricité congolaise SNEL, déclare : « Il s'agira d'une formule Build-Own-Operate-Transfer. Le Congo cédera la nouvelle centrale en concession à WestCor et percevrai pour cela des royalties. » Mais l'anguille sous roche s'appelle : Take or Pay. Si le Congo veut participer activement à WestCor, il devra s'engager à céder son courant au prix coûtant. La privatisation C'est pourquoi le Congo cherche activement d'importants contrats, en premier lieu avec l'industrie minière et d'exploitation des minerais. Des noms ronflants circulent. Selon le service congolais Anapi, qui encourage les investissements au Congo, la société minière australienne BHP Billiton achète « de façon agressive » des terrains au Katanga. L'ingénieur de la SNEL, Vika, cite lui aussi le même nom, à propos de WestCor. Chez BHP Billiton, à Londres, on prétend ne rien savoir. Toutefois, indirectement, BHP a quelque chose à voir avec Inga. BHP Billiton travaille pour une usine d'aluminium au Mozambique et ce, en compagnie du groupe d'ingénierie canadien SNC Lavalin. Fin 2001, ce groupe a réalisé un audit détaillé des installations d'Inga. Il a également fait venir le ministre congolais de l'Energie, Kalema, pour une visite d'étude à son barrage de la Baie James, au Canada. De même, on cite le producteur américain d'aluminium, Reynolds. Reynolds installe une usine dans la région de Kouilou, au Congo-Brazzaville, à quelque 200 km d'Inga, et il a pour ce faire besoin de 460 mégawatts. A la mi-octobre, les gestionnaires de la SNEL ont encore négocié avec Reynolds. Selon une source bien placée, il y fut envisagé que Reynolds finance une partie des réparations de la centrale d'Inga-2 – pour 150 millions de dollars – mais que, dans ce cas, la firme exploiterait à son propre compte les machines qui auraient été réparées. L'idée suscita pas mal d'inquiétude au sein de la SNEL : l'ensemble du projet WestCor risquait de faire le jeu de la privatisation de la compagnie congolaise. Début novembre, l'entreprise canadienne Magnesium Alloy (MagAlloy) signait un contrat provisoire avec la SNEL. MagAlloy entend produire du magnésium, dans cette même région du Kouilou, et prendrait 120 mégawatts à Inga. Ce contrat stipule que MagAlloy contribuera aux réparations des groupes 1 et 2 de la centrale d'Inga-2.
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