"France Sommes-nous condamnés à l' European Pressurized Reactor (EPR) ? par Monique et Raymond Sené http://www.delaplanete.org/article.php3?id_article=176 AREVA et les tenants du nucléaire ont fait pression pour obtenir la construction d'un EPR et ils ont gagné. Cette pression est facile à imaginer. La totalité des réacteurs du parc français d'EDF dépend de FRAMATOME, filiale d'AREVA, pour tout changement de gros composants, générateur de vapeur, couvercle de cuve, etc. Le discours élémentaire pouvait être « si vous ne me passez pas cette commande, j'estime le plan de charge de mes usines insuffisant pour maintenir mon infrastructure industrielle ». La production d'électricité de la France dépend à environ 80% du nucléaire, donc la maintenance du parc par la fourniture de ces équipements est un enjeu essentiel pour l'économie et même la survie du pays. Mais qu'est ce que l'EPR ? Ce n'est rien d'autre qu'un réacteur de la famille des réacteurs à eau pressurisée (PWR en anglais ou REP en français). Malgré son enceinte plus épaisse, il reste un REP avec tous ses problèmes. Ces réacteurs, à l'origine Westinghouse, puis déclinés selon les modifications des constructeurs de divers pays, sont l'aboutissement de la filière des réacteurs dédiés à la propulsion navale. Les ingénieurs qui ont élaboré ce type de machine n'avaient pas de préoccupations d'optimisation de l'utilisation du combustible, ni à l'esprit la lancinante question des déchets et de la fin du cycle du combustible. À cette époque, une autre famille de réacteurs était développée, elle aussi à des fins militaires, celle des réacteurs plutonigènes. C'est cette filière que la France avait choisie, jusqu'au basculement dans la voie des REP en 1974. La grande majorité de nos capacités industrielles (et intellectuelles) étaient orientées dans un travail d_amélioration de ce type de réacteurs. Après avoir construit les réacteurs UNGG (Uranium Naturel, Graphite, Gaz) de Chinon, Saint-Laurent, Vendellos (Espagne), nos ingénieurs étaient parvenus à la réalisation de Bugey 1 qui était à un échelon de puissance supérieur. Et à ce moment-là, l'industrie française dut acheter la licence Westinghouse. Avec la commande d'un (ou plusieurs) EPR, la France va se retrouver dans la même situation qu'il y a environ 40 ans. Pendant que nous allons monopoliser nos moyens financiers et intellectuels (et ces deux moyens ne sont pas sans limites) sur ce type de machine d'une génération « historique », les autres constructeurs vont faire aboutir leurs travaux de recherche et de développement sur les réacteurs de quatrième génération. Cette famille de réacteurs à haute température présente, entre autres choses, une caractéristique importante pour l'environnement : leur rendement thermodynamique sera supérieur à celui des REP, donc de l'EPR, de près de 50%, ce qui signifie que pour produire la même quantité d'électricité ils produiront environ 30% de déchets en moins. Donc, inexorablement, dans une vingtaine d'années, la France achètera à l'étranger une licence de réacteur à haute température, et tout cela pour le confort financier actuel (en vue de sa proche privatisation) du constructeur français. Sans oublier que ce constructeur, ou son descendant, sera hors course du marché international. L'histoire bégaie. Cette première partie de l'analyse est faite en supposant que l'option « tout nucléaire » perdure. Mais quels sont nos besoins réels ? La loi d'orientation sur les énergies (2004) en son titre III, chapitre 2, précise : ""La France devra être en situation de disposer du maximum d'options énergétiques ouvertes et de pouvoir réellement décider de remplacer ou non tout ou partie du parc par un nouveau parc nucléaire."" "" Remplacer ou non tout ou partie du parc "" suppose d'abord une analyse des besoins énergétiques du pays et ensuite des possibilités de remplacement de ce parc. Le préambule de cette loi stipule aussi "" la politique énergétique doit donner la priorité à la maîtrise de l'énergie, à la diversification du bouquet énergétique notamment au profit du développement des énergies renouvelables."" Il est clair qu'un programme énergétique cohérent doit s'appuyer sur la mise en place d'une politique très volontariste d'économie d'énergie et, de plus, utiliser toutes les sources possibles (bois, géothermie, solaire, éolien, nucléaire). Ce programme doit aussi être très largement discuté région par région avec une très large participation des citoyens à son élaboration et à sa mise en place. Mais il ne faut pas axer le débat sur la question « le nucléaire a-t-il un avenir ? ». La question : « Le nucléaire peut-il entrer dans un programme énergétique ? » serait déjà plus appropriée. L'inconvénient est que les tenants du nucléaire - AREVA par exemple - ne laissent jamais la discussion s'ouvrir. Cette discussion devrait commencer par : Comment y répondre ? Quels sont les avantages et les inconvénients des diverses approches ? Le credo usuel affirme que ""le pays ne peut qu'augmenter sa consommation énergétique et principalement la composante électricité"". Mais on joue avec les mots car choisir le nucléaire n'ouvre en rien notre panoplie énergétique et nous rend toujours plus dépendants. Si le nucléaire fournit environ 80 % de l'électricité française, il ne représente lui-même qu'environ 25 % dans la panoplie énergétique globale et ne peut pas aider pour les transports, majoritairement routiers. Sur le plan de la politique énergétique, nos hommes (et femmes) politiques sont inconséquent(e)s avec leurs propres déclarations. L' EPR n'est pas compatible avec un programme énergétique diversifié. Son coût va étouffer toutes les velléités des autres développements. Il a d'autant moins sa place dans un tel programme que le surdimensionnement du parc français - nous exportons 20% de la production - donne le temps de développer le recours aux énergies renouvelables. Quant à la dernière marotte, ITER, l'hypothétique réacteur à fusion thermonucléaire, il n'est qu'un rêve de physiciens. C'est un sujet de recherche qui, depuis plus de 50 ans, nous promet une énergie « propre, gratuite et illimitée » et, cerise sur le gâteau, « sans déchets », tout ceci n'étant qu'une succession de mensonges éhontés. En fait c'est surtout un sujet de recherche de crédits et un puits à finances. Cet axe de recherche mobilise des équipes et des crédits qui seraient mieux employés au développement des énergies renouvelables. Par Monique et Raymond Sené, chercheuse et chercheur honoraire au CNRS et très actifs au sein du Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN). "
[-]