Canada La Gaspésie profitera d'un projet de 1000 MW évalué à 1,9 milliard Québec passe en tête de la filière éolienne au Canada avec le programme de 1000 MW dévoilé hier, qui sera réalisé d'ici à 2012 en Gaspésie avec les huit parcs de Cartier Wind Energy et de Northland Power. Ce programme, issu du plus important appel d'offres en éolien jamais lancé dans le monde, triplera en fait la production canadienne de 430 MW d'ici à huit ans. Les éoliennes du programme gaspésien annoncé hier produiront de l'électricité à un coût moindre que la centrale thermique du Suroît projetée par Hydro-Québec. Et un autre appel d'offres de 1000 MW devrait être lancé d'ici à quelques mois, affirmait hier soir au Devoir le ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, Sam Hamad, qui voyait dans ce programme «le plus important investissement jamais fait en Gaspésie». Présentement, c'est l'Alberta qui domine l'éolien avec une production de 230 MW, suivie du Québec avec 100 MW installés dans la région de Matane et le parc de 100 MW en construction à Murdochville. L'Alberta pourrait talonner le Québec de près, car elle vise 3,5 % d'énergie renouvelable d'ici à 2008, ce qui devrait déboucher sur des projets éoliens importants. L'Ontario ne sera pas en reste, précisait hier le président de l'Association canadienne, Robert Hornung, car il veut répondre à 10 % de ses besoins d'ici à 2010 avec des énergies vertes, ce qui pourrait déboucher sur une production éolienne de 1400 MW dont une grande partie en «off shore» dans les Grands Lacs. «Mais, ajoutait M. Hornung, le Québec se positionne d'ores et déjà comme le leader en éolien au Canada avec cette annonce ferme. Et l'avance qu'il prend dans le dossier, dans la gestion et par les installations d'assemblage, lui assure de demeurer le leader au Canada dans ce domaine s'il donne rapidement suite à son projet d'enclencher rapidement un autre appel d'offres de 1000 MW.» Le programme annoncé hier assurera des retombées d'un milliard en Gaspésie et dans la MRC de Matane, selon le premier ministre Jean Charest, sur les 1,9 milliard d'investissements qu'il générera. Les autres régions du Québec toucheront 300 millions sur ces investissements. Quelque 360 emplois permanents seront ainsi créés localement et quelques centaines pour la construction et l'entretien du réseau électrique régional. Deux usines sont prévues, une à Gaspé et l'autre à Matane. Chez Hydro-Québec, le président-directeur général, André Caillé, précisait que ces 1000 MW consolidaient la position de «leader en matière d'achats» d'énergie éolienne, gardant explicitement la porte fermée à l'idée que la société d'État pourrait s'impliquer directement dans cette filière d'avenir. Le programme de construction annoncé hier avait été initialement autorisé par le gouvernement Landry. Dans son rapport sur le Suroît, la Régie de l'énergie invitait Québec à lancer quelque 3000 MW de production éolienne. Les producteurs privés ont soumis pour leur part des projets d'une capacité globale de 4000 MW dans le cadre de l'appel d'offres sanctionné hier. Le dévoilement des gagnants a réservé plusieurs surprises de taille. D'abord, le prix de 6,5 cents du kWh bat par un cent du kWh pour la première fois le coût marginal d'Hydro-Québec dans son dernier projet, le Suroît, qu'on évaluait durant les audiences autour de 7,5 cents du kWh. Et personne ne voyait venir, sauf les écologistes, la flambée en cours des combustibles fossiles. La société d'État précisait dans son communiqué hier que les nouveaux parcs éoliens de la péninsule exigeraient une modernisation du réseau de transports, un investissement de 430 millions, «ce qui est l'équivalent de 1,3 cent du kWh». La société d'État n'a pas précisé si elle entendait facturer ce montant aux producteurs tout comme le service «d'équilibrage» ou de stockage de l'énergie éolienne, au prix de 0,9 cent du kWh. Ce dernier prix est 50 % plus élevé que le sommet de la grille tarifaire de Bonneville Power aux États-Unis pour le même service. Les 1000 MW de la Gaspésie et de Matane produiront sensiblement plus d'énergie qu'Hydro-Québec ne le prévoyait : le volume total de livraisons atteindra 3,2 TWh, soit 1 TWh de plus que prévu. La productivité des huit parcs correspond à un facteur d'utilisation moyen de 36,6 %, soit près du double de ce qu'Hydro-Québec jugeait possible durant les audiences du Suroît. Les nacelles et les installations d'assemblage seront construites dans la MRC de Matane et de la Gaspésie. Les contrats fixent à 40 % le contenu régional du premier bloc d'énergie livré en décembre 2006, à 50 % pour les livraisons prévues au 1er décembre 2007 et à 60 % pour celles entre 2008 et 2012. Des neuf producteurs associés aux trois plus importants turbiniers internationaux en lice dans l'appel d'offres dévoilé le 16 juin dernier, Hydro-Québec n'en a retenu que deux. Et les deux vont installer des éoliennes de 1,5 MW pièce produites par General Electric Wind Energy, soit la filiale cousine de celle qui doit construire le projet vacillant du Suroît. Pour la porte-parole de l'opposition péquiste, Mme Rita Dionne-Marsolais, ce feu vert irréversible aux 1000 MW d'éolien est une «très bonne nouvelle», qui montre comment l'État peut intervenir de façon responsable dans le développement économique en régions. Mme Dionne-Marsolais, qui a été la marraine de ce projet au Conseil des ministres il y a quelques années, estime que ce résultat salué de toutes parts «démontre qu'Hydro-Québec a avantage à relever le défi» de l'éolien en passant du rôle passif d'acheteur à celui de producteur malgré ses réticences folkloriques. Du côté de Greenpeace, Steven Guilbeault se disait ravi de voir Québec passer à l'action, mais souhaitait qu'il annonce rapidement le lancement de la deuxième tranche de 1000 MW évoquée par le ministre Corbeil. Reprochant à Hydro-Québec de multiplier les embûches sur les pas des producteurs, Steven Guilbeault estimait que la rénovation du réseau de transport de la péninsule et le coût de l'équilibrage devraient constituer la part financière tangible de Québec au développement de la filière, une part en quelque sorte comparable au 1 cent du kWh qu'accordait Ottawa aux projets éoliens récents. Robert Hornung souhaitait pour sa part que le discours du Trône d'aujourd'hui annonce la prolongation du programme fédéral d'Encouragement à la production d'énergie éolienne (EPEE) tout en faisant disparaître les quotas par province, par producteur et par projet afin de stimuler le marché au maximum. Ce qui profiterait d'abord au Québec. Pour Philippe Bourque, du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement (RNCRE), il est étonnant de voir que l'éolien remporte aujourd'hui la bataille des prix sur les derniers projets d'Hydro-Québec, d'autant plus que ces prix sont gonflés par les exigences de réinvestissement local imposées aux producteurs, des conditions dont la disparition réduira davantage les prix.
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