Pour accroître l'exploitation de la chaleur volcanique, les Islandais vont forer à 5 000 m de profondeur La géothermie, une énergie naturelle inépuisable C. M. [04 septembre 2004] Difficile de discerner les silhouettes à travers les volutes de vapeur qui s'échappent du bassin d'eau chaude bleu émeraude, où barbotent une vingtaine de personnes. Le lagon bleu, à une quarantaine de kilomètres de Reykjavik, au milieu d'un champ de lave, demeure un haut lieu de rendez-vous pour les habitants de la capitale islandaise. La «baie des fumées», Reykjavik n'a pas volé son nom. Tout juste peut-on apercevoir au loin la centrale géothermique d'où provient l'eau chaude à 42° C qu'elle rejette après avoir été alimentée par les eaux chauffées sous terre au contact des vapeurs et roches volcaniques. De fait, il est courant, au détour d'une promenade, de tomber dans l'île sur une de ces nombreuses sources d'eau chaude qui surgissent du sous-sol. Le site de Geysir, haut lieu touristique qui a donné son nom au mot geyser, en est une des manifestations les plus éclatantes. Une colonne d'eau chaude y jaillit de terre toutes les dix minutes. L'île en regorge, tout particulièrement là où l'activité volcanique est la plus forte, soit sur un axe nord-sud, ainsi que dans le sud-ouest. Cette énergie propre est inépuisable. «Le chauffage est si bon marché que notre luxe, l'hiver, est de chauffer à fond nos maisons, tout en ouvrant grand les fenêtres», confie Sigurbjörg, mère de famille. Aussi la géothermie est-elle la première source d'énergie du pays (51,8% de la consommation nationale), loin devant les centrales hydrauliques (17,1%), qui mettent à profit les innombrables chutes d'eau provenant des glaciers. Dans les zones de basse température, comme dans certains quartiers de Reykjavik, où l'eau souterraine ne dépasse pas 150° C à – 100 mètres, celle-ci est directement pompée dans le sous-sol pour alimenter le réseau d'eau chaude et de chauffage des maisons de la ville. Mais aussi des serres, des fermes marines, ou encore les canalisations souterraines destinées à faire fondre la neige sur les routes l'hiver. Dans les zones à haute température, comme à Nesjavellir, où se trouve la centrale géothermique qui alimente Reykjavik, on la pompe via des forages à 200 mètres sous terre. Elle est ensuite en partie transformée en électricité via des turbines, en partie acheminée vers la capitale sous forme d'eau chaude, refroidie à 56° C, via 40 kilomètres de pipelines. Mais «nous utilisons seulement 17% de notre potentiel énergétique», souligne Gudjon Magnusson, de la compagnie nationale Landsvirkjun, qui affirme son objectif de «passer à 37% en 2010». Bref, l'Islande a de l'énergie à revendre. Et déjà très propre, comme ses dirigeants se plaisent à le mettre en avant. Mais elle a aussi un impératif à respecter : le protocole de Kyoto, qui lui impose de ne pas augmenter ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 10% entre 1990 et 2010. «Ce ne sera pas facile, car notre énergie est déjà d'origine non fossile à 70%», rappelle Gudjon Magnusson. Aussi plusieurs projets sont-ils actuellement à l'étude pour produire encore plus blanc. «En comparant le potentiel de chacune des sources d'énergie, leur coût et leur impact sur l'environnement, l'avenir semble résider dans la géothermie», estime Helga Tulinius, gestionnaire de projets ressources énergétiques au sein d'Orkustofun, l'autorité de régulation de l'énergie du pays. Aussi tous les espoirs reposent actuellement sur un projet de forages profonds (IDDP). Devant démarrer en 2005, il prévoit de creuser, à titre expérimental, des forages jusqu'à 5 000 mètres de profondeur pour aller chercher de nouvelles sources de chaleur, en dehors des zones actuellement exploitées. Quant à l'éolien, il a bien été à l'étude, mais reviendrait plus cher que les sources d'énergie actuelles. «Notre énergie est propre, mais il existe deux points noirs : les transports et la production d'aluminium», tempère Thorsteinn Sigfusson, de l'université de Reykjavik. Tous les regards sont actuellement braqués sur le très controversé projet de barrage de Karahnjukar, à l'extrême est de l'île. D'une capacité de 690 mégawatts avec sept barrages, soit la moitié de la production hydroélectrique du pays, il doit alimenter à partir de 2007 la future usine d'aluminium de l'américain Alcoa. Si le Parlement a donné son quitus à ce projet en 2002 en raison de son impact économique, Arni Finnsson, directeur de l'Agence de la protection de la nature islandaise, ne décolère pas : «Il va menacer une des plus grandes zones sauvages du pays, qui est unique. Sans parler des risques d'érosion sur la côte.» Même au pays de la nature toute-puissante, la raison économique parfois l'emporte.
[-]
Pour accroître l'exploitation de la chaleur volcanique, les Islandais vont forer à 5 000 m de profondeur La géothermie, une énergie naturelle inépuisable C. M. [04 septembre 2004] Difficile de discerner les silhouettes à travers les volutes de vapeur qui s'échappent du bassin d'eau chaude bleu émeraude, où barbotent une vingtaine de personnes. Le lagon bleu, à une quarantaine de kilomètres de Reykjavik, au milieu d'un champ de lave, demeure un ...
[+]