"Energie. La centrale électrique de Pécs abandonne le charbon, très polluant, au profit du bois. Hongrie passe à la biomasse Par BRUYERE Florence LA samedi 08 janvier 2005 Pécs (Hongrie) envoyée spéciale es nuages de smog et l'air âcre empestant le charbon de mauvaise qualité ne seront bientôt plus qu'un mauvais souvenir pour les habitants de Pécs, ville de 170 000 habitants au sud de la Hongrie. Pendant des décennies, les cheminées d'une des plus grandes centrales du pays, bâtie sous le communisme en 1959, ont soufflé leurs fumées sur la ville blottie au pied des montagnes Mecsek. «La centrale a longtemps été un gros pollueur ; il y avait une forte concentration dans l'air de dioxyde de soufre», se souvient Attila Panovics, membre du Cercle vert, mouvement écologiste de la région. Aujourd'hui, Pécs, qui a réduit l'usage du charbon, se tourne vers l'énergie renouvelable : la biomasse. Depuis août 2004, l'une des quatre chaudières de la centrale, rebaptisée Pannon Power depuis sa privatisation au profit d'investisseurs américains en 1995, est alimentée au bois, les autres brûlant du gaz et du charbon. La chaudière à bois est une unité de cogénération qui chauffe une grande partie de la ville - 30 000 foyers -, fournit de la vapeur à 22 grosses entreprises et apporte une puissance électrique de 50 mégawatts sur les 180 de la centrale. La chaudière à charbon doit être arrêtée définitivement au printemps. «A ce moment-là, la qualité de l'air s'améliorera de façon notable. En 2001, les cheminées crachaient encore plus de 22 000 tonnes de dioxyde de soufre ! Fin 2005, ce chiffre devrait chuter à 678 tonnes, et les émissions d'oxyde d'azote diminuer de moitié», indique Sandor Emesz, de l'Agence régionale pour l'environnement. Ce n'est qu'un début car, «d'ici à dix ans, 40 % de notre production viendra de la biomasse, et les 60 % restants du gaz», affirme Attila Braun, directeur de la centrale. Plat pays. Une conversion due aussi à des raisons économiques. En Hongrie, toutes les centrales brûlaient du charbon et doivent aujourd'hui trouver une source d'énergie alternative. Les mines s'épuisent - dans la région de Pécs, les puits ferment début 2005 - et importer du charbon de l'étranger serait trop onéreux. D'où l'engouement pour le bois-énergie : outre celle de Pécs, quatre autres installations ont choisi cette option. «En 2004, la biomasse a généré 75 % de l'électricité d'origine renouvelable hongroise», indique Miklos Poos, du ministère de l'Economie. «Pour la Hongrie, la biomasse est l'énergie verte la plus accessible. Nous sommes un pays plat, avec peu de potentiel hydroélectrique. L'énergie éolienne est malheureusement encore peu développée. Dès que l'on passe la frontière autrichienne, on voit des dizaines d'éoliennes, contre six sur le sol hongrois. Pourtant, le vent souffle autant ici qu'en Autriche ! Quant à la géothermie, nous en sommes encore aux essais», explique l'expert. Déforestation. Malheureusement, la biomasse ne signifie pas forcément la fin des menaces pour l'environnement. Une chaudière, ça brûle énormément : 350 000 tonnes de bois par an. «Dans dix ans, nous en consommerons dix fois plus», admet le directeur de la centrale, qui achète des chutes de bois de chêne et de hêtre aux sociétés forestières de la région. Or les habitants de la région de Pécs brandissent le danger de déforestation. «Nous recevons quotidiennement des coups de fil de gens qui s'inquiètent de voir autant de bois convoyé vers la centrale. Cela représente un train entier par jour ! La Hongrie ne veille pas au développement durable de sa forêt qui ne représente que 20 % de son territoire», critique l'écologiste Attila Panovics. La solution serait de planter des arbres sur les terres inexploitées depuis que l'Union européenne restreint la production agricole de ses membres. «Notre objectif est de créer de nouvelles forêts. Nous aiderions ainsi les agriculteurs à se reconvertir dans la production de bois», précise Miklos Poos. Céréale agressive. Autre idée à l'étude, créer de la biomasse en brûlant une céréale, l'Elymus elongata, développée par un institut de recherche hongrois. «La céréale-énergie est l'option pour l'Europe», affirme Attila Braun de Pannon Power. «On l'utilise déjà au Danemark et en Allemagne. Notre objectif est d'alimenter les chaudières de biomasse pour moitié en bois et pour moitié en céréale, qui est moins chère.» Mais il faudra attendre l'étude de l'université de Pécs qui teste actuellement l'impact de l'Elymus elongata sur l'environnement. Cette céréale «est une plante agressive, dont les racines descendent jusqu'à trois mètres de profondeur et peuvent épuiser le sol. De plus, la cultiver sur de larges surfaces réduirait la biodiversité», juge Mathias Prommer, de WWF Hongrie. L'ONG, dont les experts coopèrent avec Pannon Power en matière d'environnement, souhaite que l'on possède des informations complètes sur la plante avant de s'en servir comme combustible. Toutefois, sans attendre, des agriculteurs se sont lancés dans la production d'Elymus elongata. La céréale, dont certains pensent qu'elle leur rapportera de l'or, est déjà cultivée sur 1 300 hectares. http://www.liberation.fr/page.php?Article=266766 "
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